LA PHRASE MAGIQUE – Merveilleux conte climatique

lampe

Un petit entracte en cette période de congé, et j’exhume ce billet que j’avais initialement publié en 2014, mais qui me semble plus que jamais d’actualité…

Félicien Bircland se ravisa à temps : il allait traverser le carrefour alors que le feu était au rouge. D’habitude méticuleux, Félicien se plie volontiers aux diverses petites contraintes de la vie quotidienne. Cela tient à son caractère, mais aussi aux fonctions qu’il exerce à la prestigieuse Université de Ploefokkerzeel. Il y occupe une chaire de géophysique, et s’efforce jour après jour de transmettre son savoir à une multitude d’adolescents des deux sexes, plus ou moins perméables à son enthousiasme pédagogique.

Il entra dans la petite épicerie où il avait l’habitude de se fournir en menus achats. Mais lorsque l’accorte commerçante le salua d’un vigoureux – Bien le bonjour, Monsieur le Professeur, qu’est-ce que je vous sers ? Félicien Bircland resta quelque peu interdit : plus moyen de se souvenir pourquoi il s’était arrêté ici. – Heu, un kilo de pommes vertes, Madame Dubrol. Pourtant il était certain de ne pas avoir besoin de pommes, qu’il n’appréciait d’ailleurs pas particulièrement, mais il fallait bien se sortir dignement de ce mauvais pas. Pas de doute, Félicien Bircland était préoccupé.

Arrivé dans son studio, il préparait son dîner pour aussitôt s’apercevoir qu’il n’avait plus une seule tranche de pain (Ah, c‘est pour cela que …). Il mangea donc quelques quartiers de pommes vertes. Heureusement qu’à midi, il avait déjeuné au mess universitaire…Ensuite, il vida la litière souillée du chat dans la poubelle, la remplaça distraitement par des céréales au chocolat, et s‘affala dans son fauteuil préféré, qui était d‘ailleurs le seul et unique présent dans la pièce.

Il regardait fixement le manuscrit posé sur la table devant lui. Plusieurs mois, sinon plusieurs années de travail sous forme d’une somme d’équations et de graphiques s’y trouvaient. Une démonstration limpide (pour les initiés) qui établissait de manière irréfutable que les variations de la gravitation initiées par les mouvements planétaires, combinées au rayonnement cosmique, suffisaient à eux seuls pour expliquer les variations du climat terrestre. Et depuis plusieurs semaines, il s’interrogeait sur le sort qu’il devait réserver à ce travail considérable.

Félicien Bircland aurait évidemment aimé voir son manuscrit édité par une revue scientifique, de premier plan si possible. Mais voilà, il appréhendait le fait qu’aucune de ces revues n’accepte de l’éditer, au vu de ses conclusions tellement à contre-courant de la pensée actuelle. Et même si par extraordinaire un éditeur prestigieux accueillait son étude, il devrait affronter les réactions négatives, voire même hostiles de son entourage professionnel.

Se voir considéré comme un original, risquer même d’être mis à l’index par la communauté universitaire, être la cible de pétitions hostiles, ou suprême déshonneur, se voir taxé de climatosceptique ou d’inféodé aux multinationales, non décidément, il n‘y était pas préparé … Il ne s’étonnait même pas de voir son chat croquer goulûment sa litière.

Il en était là dans ses réflexions, lorsqu’une détonation assourdie le fit sursauter, et un épais nuage bleu se répandit face à lui. L’image d’un gros bonhomme tout bleu coiffé d’un turban en émergea. Plutôt secoué, Félicien Bircland s’exclama : – Mais qui êtes-vous ? Et comment êtes-vous entré ? – Cool, répondit l’apparition avec un large sourire. Je suis ton parrain le djinn, et je sais le dilemme dans lequel tu es plongé. Je connais ta théorie, et je partage tes craintes devant les réactions qu’elle ne manquera pas de provoquer. Aussi, je vais te laisser ce petit papier. Tu y trouveras la phrase magique, qui ajoutée en fin de ton texte, permettra de tout résoudre.

Et tout aussi brusquement qu’il était apparu, le bon génie disparut de sa vision. A ses pieds, il ramassa un bout de papier. Bizarre, l’écriture était semblable à la sienne. Mais il n‘hésita pas à se ranger au conseil qui lui avait été donné, et il rajouta la phrase magique dans la conclusion de son étude :

« Bien entendu, ces effets sur le climat de notre planète ne feront qu’amplifier les fluctuations causées par le largage du CO2 émis par les activités humaines ».

La phrase magique lui permit de publier son texte dans une revue prestigieuse, et sa renommée fut définitivement assise parmi la communauté scientifique. Il reçut même des subsides conséquents pour la poursuite de ses recherches.

Il ne fut pas le seul à apprécier les vertus de la phrase magique. Un nombre croissant de scientifiques, ayant perçu tous les avantages de la formule rédemptrice, l’employèrent systématiquement.

Ah, vous l’aviez également remarqué ?

Jo Moreau

 

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2 commentaires sur “LA PHRASE MAGIQUE – Merveilleux conte climatique

  1. Ho je suis très heureux d’avoir de vos nouvelles, je venais très souvent sur « belgotopia » avec votre formidable bibliothèque d’information sur les météos d’antan.. j’ai amèrement regretté de ne pas avoir copies les pages le jour où je ne les ai plus trouvées sur le web…

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    1. Merci pour votre appréciation ! Effectivement, mon hébergeur précédent a cessé cette activité, et il n’y eut pas de suivi automatique vers le nouvel hébergeur. Vous retrouverez ces billets en cliquant sur l’étiquette « climat ancien » dans la colonne de droite.

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