Susan J Crockford est zoologue, professeure adjointe à l’Université de Victoria, et auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux ours polaires. Via son site (1), elle réagit à la récente vidéo montrant la mort d’un ours polaire, la qualifiant de voyeurisme sans fondement.
J’en reprends ici quelques passages, dans une traduction maison.
Jo Moreau.
Nous avons un nouvel exemple de cette mode qui proclame victime du changement climatique chaque ours polaire mort de faim (ou en voie de mourir de faim) : un jeune ours sur l’île de Somerset près de Baffin Island, au Nunavut, a été filmé en août dernier lors de ses dernières heures d’agonie par des membres d’une organisation activiste appelée SeaLegacy .
» J’ai filmé avec des larmes qui coulaient sur mes joues. »
Des images qui déchirent le cœur montrent un ours polaire affamé sur son lit de mort, et qui lutte pour marcher sur une terre sans glace. National Geographic a publié cette histoire, à l’instar d’autres médias, soulignant de manière complaisante la menace présentée par le réchauffement climatique vantée par les photographes.
Ce n’est pas différent de « l’ours qui est mort du changement climatique » de Ian Stirling en 2013 , ou plusieurs autres depuis. Un de ces épisodes impliquait déjà Paul Nicklen, le photographe auteur du présent reportage.
J’ai appelé cette pratique de filmer des ours morts ou mourants, et de répandre les photos à travers les pages des journaux et de l’ internet de « tragédie porno » – une sorte de voyeurisme qui laisse les gens victimes de manipulation émotionnelle.
Voici le cofondateur de SeaLegacy ( CBC Radio ) qui explique pourquoi ils ont filmé l’incident et publié la vidéo :
Le groupe de conservation SeaLegacy a diffusé une vidéo d’un ours polaire émacié près des îles de Baffin. Ils disent que le changement climatique a conduit l’animal à la famine. (SeaLegacy / Caters news)
« Nous entendons dire par des scientifiques que dans les 100 à 150 prochaines années, les ours polaires vont disparaître », a déclaré Cristina Mittermeier, cofondatrice de SeaLegacy.
« Nous voulions que le monde voie ce qu’est la famine d’un animal majestueux comme celui-ci. »
C’est peut-être ainsi que vous incitez les gens crédules à donner de l’argent à une cause, mais ce n’est pas scientifique : rien n’indique que cet ours affamé ait été «victime» de l’absence de glace causée par le réchauffement climatique.
La cofondatrice de SeaLegacy, Cristina Mittermeier, l’a admis plus tard dans l’interview citée ci-dessus et a déclaré que la raison de sa mort était sans importance, admettant essentiellement qu’elle utilisait la photo de ce malheureux épisode pour illustrer le destin futur qu’elle imagine pour l’ensemble des ours.
« Il est impossible de dire pourquoi il était dans cet état. Peut-être que cela aurait pu être à cause d’une blessure ou d’une maladie « , a déclaré Mittermeier….
Bien que Mittermeier ait dit que l’ours n’avait pas de blessures évidentes et qu’elle croyait qu’il était trop jeune pour mourir de vieillesse, elle soutient que cela n’a pas d’importance.
« Le fait est qu’il était affamé, et … comme nous perdons de la glace de mer dans l’Arctique, les ours polaires vont mourir de faim. »
En août, comme la plupart des ours sont les plus gros à cette période de l’année, quelque chose d’inhabituel a dû affecter sa capacité de chasser ou à se nourrir. Cela aurait pu être quelque chose d’aussi simple qu’ avoir été concurrencé au printemps par des animaux plus âgés.
Mais si la perte de la glace de mer due au réchauffement de la planète par l’homme avait été responsable, cet ours n’aurait pas été le seul à mourir de faim: le paysage aurait été jonché de carcasses. C’est un ours qui mourait d’une mort horrible comme il arrive tout le temps dans la nature.
En fait, les recherches menées par des spécialistes des ours polaires qui travaillent sur le terrain montrent que la cause naturelle la plus fréquente de mort des ours polaires est la famine, causée par une cause ou une autre (animaux trop jeunes, trop âgés, blessés ou malades) (Amstrup 2003) :
« La famine affectant les animaux jeunes et âgés explique une grande partie de la mortalité naturelle des ours polaires … De plus, les données sur la structure par âge montrent que les subadultes âgés de 2 à 5 ans survivent à des taux inférieurs à ceux des adultes (Amstrup 1995). car ils sont encore en apprentissage des techniques de chasse et de survie . »
Mais comme Mittermeier l’a précisé, les faits n’ont pas d’importance dans des cas comme la mort de cet ours de l’île Somerset: tout est dans le message...
J’ai déjà posé cette question parce qu’elle reflète le climat politique actuel. Où étaient les appels à venir en aide aux nombreux ours polaires affamés au printemps 1974, alors que les femelles et leurs petits naissaient dans l’est de la mer de Beaufort et que l’épaisseur de la glace de mer avait chassé les phoques annelés avant qu’elles ne mettent bas (Stirling 2002)?
Ce que Stirling et Lunn ont observé et documenté est une preuve scientifique que la variation naturelle de la glace de mer au printemps peut avoir des effets dévastateurs sur les ours polaires, y compris des épisodes de mortalité massive (Crockford, 2017). Cependant, nous n’avons constaté aucun épisode de famine de masse similaire, qui aurait été démontré de façon concluante comme étant une conséquence de l’état de la glace de mer en été.
Un ours affamé n’est pas une preuve scientifique que le réchauffement climatique causé par l’homme a déjà affecté négativement les ours polaires, mais il est évident que certains activistes utiliseront n’importe quel stratagème pour promouvoir leur programme et attirer les dons.
Dans une interview publiée hier dans le Victoria Times-Colonist (ma ville natale), le photographe Nicklen a déclaré :
« La glace fond plus tôt chaque printemps et gèle plus tard chaque automne. Les ours sont conçus pour survivre jusqu’à deux mois sans glace, mais certainement pas pendant quatre ou cinq mois. Et bien, la vidéo montre à quoi cela ressemble quand les ours polaires sont contraints de vivre sur la terre. »
Nicklen devrait s’informer un peu plus : les ours polaires de l’ouest de la baie d’Hudson passent de quatre à cinq mois sans glace. Quatre mois étaient normaux au bon vieux temps (environ 1980) et près de cinq mois quelques années plus tard (Castro de la Guardia et al 2017, Cherry et al 2013, Ramsay et Stirling 1988, Stirling et Lunn 1997). Les femelles enceintes de la Western Hudson Bay passent 8 mois ou plus sur la terre sans effets nocifs qui pourraient être imputés de façon concluante à une période légèrement plus longue sans glace (Crockford 2017). Les ours polaires du sud de la baie d’Hudson passent autant de temps sans glace (Obbard et al., 2016).
Susan Crockford
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bonjour
question si on peut les approcher pourquoi les laisse-t-on agoniser ?
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Crockford est un « arm-chair scientist » elle n’a jamais mené une étude sur le terrain …
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Jo,
Pour votre éducation :
https://academic.oup.com/bioscience/advance-article/doi/10.1093/biosci/bix133/4644513
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Je ne doute pas que Susan Crockford est parfaitement incompétente, et je ne comprends pas qu’elle ait fait partie de l’Université Victoria. J’ai cherché vainement un scientifique qui ait suivi les ours blancs sur la banquise pour les compter un à un pendant une année, mais sans doute que ceux qui ont signé l’étude dont vous envoyez le lien, ont eux bien été « sur le terrain ». Autre surprise : je découvre que l’astrophysicien Hubert Reeves, qui ose nous parler des galaxies, n’y est jamais allé !!! Allez, Robert, à la prochaine pour nous faire rire !
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