L’action aérienne actuellement en cours contre l’armée libyenne me laisse perplexe.
Cela ressemble furieusement à une tentative faite par certains dirigeants européens destinée à se dédouaner d’avoir reçu le terroriste de Tripoli avec un faste digne du couronnement de l’empereur Bokassa, dans l‘espoir de contrats juteux. Les premières images reçues du lancement des 110 missiles de croisière me font irrésistiblement penser au démarrage de l’invasion de l’Irak . Celle-ci était aussi dirigée contre un dictateur qui avait retourné ses armes, y compris chimiques, contre sa propre population. Cette action avait à l’époque provoqué les vertueuses protestations de l’ensemble de ces mêmes Européens, et des manifestations enflammées de dizaines de milliers de personnes dans nos villes.
S’il fallait absolument créer cette fameuse « zone d’exclusion aérienne », c’était à la Ligue Arabe à s’en occuper. Plusieurs de ces pays ont une armée parfaitement opérationnelle, avec notamment 3000 aéronefs de combat (avions et hélicoptères). Et ce contrairement à l’armée libyenne, équipée en majorité de matériel obsolète et non entretenu. Le colonel Kadhafi n’avait en effet aucune confiance dans son armée, et s’appuyait surtout sur des milices issues de ses tribus alliées, ou des bandes mercenaires.
La seule intervention aérienne me parait sans issue alors que les combats se passent au sol, et que l’action de l’aviation libyenne me paraissait vraiment très limitée. Se posent alors deux questions : quelle est le but de l’opération voulue par certains européens, et surtout de quelle manière se passera la sortie de crise ? L’explication « pétrolière », brandie si facilement par certains, ne me convainc absolument pas, ni pour cette crise ni pour beaucoup d’autres. L’ exploitation du précieux liquide se trouve déjà dans les mains de multinationales à façade occidentale dont on peut d‘ailleurs se demander d’où proviennent les capitaux qui les contrôlent aujourd‘hui.
L’espoir de voir le chef terroriste de Tripoli fuir son pays ou se rendre me semble très ténu au vu de sa personnalité…
Pourra-t-on dès lors éviter une opération terrestre, scénario catastrophe qui me semble toutefois à envisager sérieusement si on veut éviter le ridicule.
Lorsqu’on constate la réalité libyenne, notamment les relations depuis longtemps conflictuelles entre ses deux principales régions, la Cyrénaïque et la Tripolitaine, son système tribal, et l’absence quasi totale de structure politique, je suis très dubitatif par ce qui se passera le jour où il faudra bien clôturer cette intervention.
Mais le risque principal me semble se situer dans la réaction prévisible des populations arabes en particulier, et musulmanes en général, qui risquent dès à présent de voir dans cette intervention militaire une nouvelle preuve de l’impérialisme des « croisés » occidentaux, et un nouveau motif d’affirmation d’un extrémisme à caractère religieux.
Ce qui me dérange aussi, c’est qu’on se donne bonne conscience à bas prix par une action contre la Libye, action qu’on éviterait soigneusement contre d’autres. Je pense notamment à de nouvelles manifestations réprimées en Chine ou au Tibet, à une action militaire du type Tchétchénie par la Russie, etc… Je suppose qu’on s’abstiendra de toute intervention directe (avec raison d’ailleurs…). Il me semble urgent de définir une politique claire de limitation géographique d’interventionnisme, sauf bien entendu en cas de menace directe contre nos pays.
Enfin, la conséquence la plus immédiate me semble être la preuve de l’incapacité absolue des Européens de mener une opération militaire, quand même d’une ampleur limitée et géographiquement proche, sans l’appui direct ou logistique des Américains. Mais cela, on le savait déjà depuis la guerre en Yougoslavie.
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Jo Moreau.