Je reprends ici un article paru sous ce titre en septembre 1937 dans l’ancien hebdomadaire belge « Le Patriote Illustré », de tendance catholique. Cette revue avait relaté épisodiquement depuis les années 1920 les heurts violents successifs survenus entre Juifs et Arabes dans cette région du monde, et le présent article me parait assez correct du point de vue historique, et établit un état des lieux de ce territoire en 1937. Cet article est également instructif pour ceux qui persistent à croire que les problèmes actuels datent du lendemain de la dernière guerre, et de la fondation de l’état d’Israël.
Jo Moreau.
« La Palestine est actuellement un des points névralgiques du globe. Le conflit entre juifs et musulmans, loin d’être une simple question locale, soulève les passions dans l’ensemble de l’Islam aussi bien que chez les Israélites du monde entier. Les chrétiens eux-mêmes suivent avec un intérêt mêlé de tristesse les phases d’un conflit dont le berceau du christianisme est l’enjeu. Ville sainte pour les Chrétiens, Jérusalem l’est aussi pour les juifs et pour les musulmans. Une effusion de sang sous ses murs a aussitôt son rententissement dans le monde entier.
Territorialement, la Palestine actuelle ne forme qu’une partie de la Palestine de l’histoire, qui s’étendait des bords de la Méditerranée jusqu’au grand désert. Le pays, tel que l’ont délimité les traités, a une superficie totale de 26.158 kilomètres carrés, soit 5000 de moins que la Belgique, et une population estimée en juin 1936 à 1.336.518 habitants, dont 848.342 musulmans, 370.483 juifs et 106.474 chrétiens.
Définitivement séparée de la Turquie par le traité de Lausanne en date du 24 juillet 1923, la Palestine constitue actuellement -pour combien de temps encore ?- un état à administration centrale unique, sous mandat de l’Angleterre. Depuis la campagne de 1917, qui aboutit à la conquête de Jerusalem, le 9 décembre, les Anglais occupaient d’ailleurs le pays, qui constitue pour eux une excellente position stratégique sur la route des Indes et dans la Méditerranée orientale.
Les villages arabes sont au nombre de 750, et les colonies juives, installées par le Fonds National Juif en collaboration avec le « Keren Hayesod » , autre émanation du Sionisme, forment un total de 201, avec une population de 96.289 individus venus surtout d’Europe Centrale, des Etats Slaves, de Pologne etc…
L’établissement des colons sionistes a donné une incontestable impulsion à la prospérité du pays : les entreprises juives, au nombre de 4615 en 1935, avaient investi à cette date un capital de 8.654.000 livres palestiniennes en territoire mandaté. Haïfa, le meilleur port de la Méditerranée orientale, terminus du « pipe-line » qui amène les pétroles de Mossoul, et Tel-Aviv, cité neuve,sont les principaux centres de l’activité économique et industrielle des immigrants. Capitaux, cerveaux, personnel technique et main-d’œuvre, tout est fourni par les Sionistes qui ont entrepris la restauration d’un Etat juif sur les bords du Jourdain. Ils créent un système d’irrigation, et faisant de l’agriculture la base de la rénovation économique de l’antique Terre Promise, développent les plantations d’orangers, de citronniers, de pamplemousses, de figuiers, de vignes, d’oliviers. Ils font produire au sol du blé, de l’orge, des tomates, des melons; leur initiative va jusqu’à exploiter les eaux de la Mer Morte pour en extraire les produits chimiques. Les fameuses forêts du Liban, réduites à quelques cèdres, vont redevenir une réalité : en une seule année, les services de réafforestation ont planté 904.733 arbres.
Les Arabes, malgré leur supériorité numérique, n’ont que 183 écoles avec 12.275 élèves, les catholiques ont 111 écoles avec 13.645 enfants; les juifs, eux, ont une université et 554 écoles comtant 60211 élèves.
La fameuse « Déclaration Balfour », publiée le 2 novembre 1917, fixa les nouvelles destinées du pays du Christ : l’Angleterre s’engageait à y faciliter l’établissement d’un foyer national pour les juifs en Palestine, sous la réserve qu’aucun préjudice ne serait causé aux droits des communautés non-juives. Les Sionistes y ont vu la consécration officielle de leur programme de colonisation en Palestine, sous la protection des baïonnettes anglaises, tandis que les Arabes prétendent y trouver une garantie pour leurs droits. Toutes les difficultés actuelles de la politique anglaise y sont nées de l’irréductible opposition de ces deux races. L’immigration juive, de quelques milliers d’individus par an au début du mandat britannique, s’éleva à 29.727 pour l’année 1936. Menacés d’être submergés, les Arabes ont eu recours à une agitation qui a fini par alarmer les Anglais : 2735 crimes y ont été commis en 1936, malgré une répression rigoureuse qui est allée jusqu’à la destruction à la dynamite de quartiers indigènes.
Dans l’espoir de donner à une aussi irritante question une solution définitive qui amènerait la pacification des esprits, l’Angleterre avait chargé une commission spéciale de préparer un statut pour le pays confié à son mandat. Les propositions formulées, partage de la Palestine en trois zones : arabe, juive, et sous contrôle anglais, sont partout combattues » .